J’en ai mis, du temps, avant de revenir vers ici, pour vous écrire. J’en avais bien l’envie, mais la motivation de me lancer et le corps ne suivaient pas, ces derniers jours. Heureusement que j’avais prévu le coup avec tout plein d’articles écrits pour le blog avant même de rentrer en France, fin février dernier ! Mais mon organisation n’est pas le sujet du jour, je suis ici pour vous parler – encore une fois – de mes fesses…
Rapide rappel des faits
Après deux opérations du kyste pilonidal (avec lambeau), je n’avais toujours pas cicatrisé : la plaie ne voulait pas se refermer entièrement, malgré des points de suture et le temps. J’ai donc changé de chirurgien, après avoir cherché en vain un spécialiste des cicatrisations difficiles qui ne soit pas uniquement formé aux diabétiques ou aux personnes âgées. A la base, quand j’ai rencontré mon nouveau chirurgien, je n’ai pas du tout accroché avec lui (dans son hôpital public, la prise en charge des patients m’a fait penser à l’usine…) mais, bon, il semblait traiter régulièrement des kystes pilonidaux, il avait un semblant d’idée sur ce qui pourrait expliquer mon soucis de cicatrisation, et je ne pouvais pas prendre le risque de vivre encore quelques années avec une plaie ouverte de 10cm de long… J’ai donc accepté de me faire réopérer le 7 avril dernier. Et j’avoue que cette troisième hospitalisation a, et de loin, été la plus difficile à vivre.
Je vous rassure tout de suite, l’opération en elle-même s’est bien passée, d’après le chirurgien et son interne. C’est juste que j’ai plutôt mal vécu mes cinq jours d’hospitalisation.
AVANT L’OPERATION
Je suis rentrée à l’hôpital le jeudi 6 avril à 15h55, et tout allait plutôt bien. Bon, certes, j’avais en tête le fait que toute opération est dangereuse et que c’était peut-être les dernières fois de ma vie (je vous dis pas comment j’ai galéré à dire au revoir à mon chat…). Certes, n’étant pas 100% convaincue par mon chirurgien, j’avais en tête aussi le fait que mon opération pouvait ne rien changer à mes soucis de cicatrisation… Mais je suis une scientifique, je sais me raisonner et je sais surtout faire taire mon cerveau si / quand celui-ci s’emballe. Enfin, c’est ce que je croyais…
Bref, jeudi 6 avril, j’ai débarqué dans ma chambre privée, et j’y ai passé le temps jusqu’au soir, en découvrant les lieux, lisant un livre, chattant sur Internet, remplissant de la paperasse pour l’hôpital, accueillant toutes les infirmières et aides-soignantes venues vérifier ma tension / température / autres… J’ai aussi pu découvrir que l’on me réservait une alimentation pauvre en résidus pour les jours à venir, i.e. une alimentation dont quasiment tout est assimilé par l’organisme, pour ralentir le transit intestinal. Zéro fruit et légume, juste un bouillon, des pâtes ou du riz (sans sauce), une viande maigre ou poisson blanc, un bout de fromage avec deux biscottes et un petit gâteau sec. J’ai tout mangé sans soucis, je me suis couchée, je me suis endormie et, le lendemain matin, mon corps et ma tête étaient prêts pour le grand jour.
Malgré le fait que je sois à jeûn et en petite tenue dans ma chambre, j’ai attendu patiemment pendant quatre heures que l’on vienne me chercher et m’opérer. Je m’occupais toujours sans soucis, sans stresser, lisant un livre et discutant sur les réseaux sociaux. Un brancardier est passé me prendre à 12h30, j’ai discuté avec lui le temps de rejoindre le bloc, j’ai fait rire les infirmiers et l’anesthésiste avec quelques bons mots et je me suis endormie. Paisiblement.
APRES L’OPERATION – vendredi 7 avril
Réveil à 15h30 dans la salle de réveil, où on m’aide à me retourner pour être allongée sur le ventre. Pendant deux heures, je me suis réendormie, reréveillée… et j’ai même pensé, à un moment : “Chouette, je suis toujours en vie ! “, puis “Chouette, apparemment l’opération s’est bien passée car je suis sur le ventre et j’ai pas mal ! “.
17h30, je suis toujours un peu dans le coltard mais on m’amène à ma chambre et je n’oublie pas d’envoyer quelques mails et messages pour rassurer ma famille et mes amis. Mon cerveau travaille donc plutôt bien, compte-tenu de la situation.
Les heures passent, je supporte plutôt bien ma position allongée sur le ventre, malgré un matelas pas confortable pour un sou (il est creusé pile où il faut pas, me forçant à cambrer le dos). Je discute un peu avec ma mère, venue me rendre visite. J’apprends à manger sur le ventre en évitant d’en mettre partout. Je m’ennuie un chouia car je suis bien trop faible pour tenir un livre ou un magazine de sudokus ouverts, et je n’ai pas accès à la TV (elle est derrière moi – et ma position ne me permet pas de porter mes lunettes, de toute façon donc je ne la verrai pas dans tous les cas). Je passe le temps en sommeillant…
Je passe une nuit plutôt bonne, malgré les visites toutes les 2 heures pour vérifier ma plaie, ma tension, ma température… et que je doive sans arrêt appeler les infirmières pour qu’elles glissent une bassine sous moi pour tenter de soulager un peu ma vessie (y a rien à faire, je fais à peine trois gouttes à chaque fois).
Samedi 8 avril
A 6h du matin, j’en peux déjà plus de ne rien faire, je ne suis plus aussi fatiguée (ou du moins pas assez fatiguée pour dormir…) et je décide de commencer un livre audio, vu que je ne peux toujours rien tenir plus de 5 minutes et qu’il me faut occuper mon cerveau. Je choisis “Demain les chats” de Bernard Werber, car c’est l’un des seuls que j’ai en français avec moi, et je ne me sens pas d’écouter de l’anglais avec le petit brouillard qui m’entoure.
La journée se passe plutôt bien, malgré le fait que la position allongée sur le ventre commence à me faire vraiment suer. Mon dos est cambré et fait mal, à force, et tout ce que je peux faire, c’est pseudo-ramper d’un côté à l’autre du matelas, pour profiter du frais et qu’il soit moins creusé par mes soins.
Vers 17h, j’apprends enfin à maîtriser ma vessie dans la bassine, c’est une véritable révélation après tant d’heures à en avoir envie sans pouvoir me soulager ! Mon père me rend visite par la suite, et c’est là que je prends conscience des effets positifs des visites, car le temps passe bien plus vite quand on discute de tout et de rien !
Je m’endors assez tôt en écoutant de la méditation guidée sur mon téléphone, et j’espère dormir le plus longtemps possible pour que le temps passe plus vite, et que j’arrête de penser au quasi-martyr de mon pauvre dos sur ce matelas pas confortable… On notera que je n’ai toujours aucune douleur au niveau de mes plaies.
Dimanche 9 avril
Je me réveille peu après minuit avec le coeur qui bat super vite, les mains et pieds moites. J’ai fait un cauchemar en lien avec le scénario apocalyptique de mon livre audio “Demain les chats” et je peine à me calmer. Je suis déprimée à l’idée de ne pas avoir réussi à dormir longtemps et de devoir affronter la nuit la plus longue de ma vie. Je mets mon honneur de côté et appelle l’infirmière, qui décide de me donner un calmant léger. Je me rendors une heure plus tard et dors d’un sommeil pas vraiment réparateur… mais au moins, je dors et le temps avance un peu plus vite.
Vers 9h du matin, cela fait deux heures que je suis réveillée et c’est le moment où mon moral est au plus bas. La solitude de ma chambre privée me pèse vraiment, et je n’en peux plus d’être allongée sur le ventre sans possibilité de soulager ni mon cerveau ni mon corps. J’en pleure, et j’ai la nausée à force de manger allongée…
J’essaie de faire la part des choses, de réaliser que j’ai de la chance, que je n’ai pas mal à mes plaies… mais mon moral va faire les montagnes russes toute la journée. En fait, j’ai l’impression d’étouffer, à force, dans cette chambre. Je me sens comme un lion en cage, sauf que je ne peux pas bouger… et cet état d’esprit se matérialise dans une envie folle de garder la fenêtre ouverte toute la journée. Comme si j’étouffais vraiment, physiquement.
Vers 12h, le chirurgien passe et m’indique que tout va bien, et que je peux maintenant apprendre à me lever d’un bloc pour que je puisse me détendre les jambes dans ma chambre de temps en temps. C’est extra, je peux donc aller m’amuser à faire pipi debout au-dessus des toilettes, je récupère au passage une partie de ma fierté !
Je me recouche après 30 minutes debout et le matelas se rappelle hélas vite au “bon” souvenir de mon corps… Heureusement, j’ai maintenant le droit de me mettre allongée sur le côté (sur la hanche), tant que je reste droite comme un I en toute circonstances. Cela atténue un peu la douleur. Un tout petit peu. Mais le temps continue à passer lentement, car je n’arrive toujours pas à lire, pour me divertir et oublier ma condition.
Vers 17h30, ma mère vient me faire coucou et on discute un peu. C’est sympa, mais je veux lui montrer que je peux être debout. Sauf que, pour mon second essai, je fais un mini-malaise, avec des bouffées de chaleur, la tête qui tourne, une sensation cotonneuse, de la nausée et tout. Me voilà obligée à m’allonger… encore !
Je décide de retenter l’aventure vers 21h, pour ne pas me coucher sur une défaite. Tout va bien, je marche de long en large dans ma chambre, visite mes toilettes, ouvre la fenêtre… mais il me faut essayer de dormir, et j’avoue que j’ai peur de ne pas y arriver, encore une fois. Le silence du service, la nuit, m’oppresse.
Vers 23h, je continue de tourner dans mon lit (façon de parler). Je me lève, ouvre la fenêtre quelques minutes et réalise que j’ai envie d’aller faire caca… oups ! J’appelle l’infirmière pour savoir quoi faire et j’apprends que c’est impossible. Re-oups… Cela me fait psychoter dans ma tête, c’est comme si je ne pouvais plus ne penser qu’à ça, au point que l’on me donne un petit comprimé calmant, me permettant de m’endormir pour quelques heures.
Lundi 10 avril
Je me réveille en plein milieu de la nuit et je vis cela comme une pure défaite. Je suis en larmes, je n’en peux vraiment plus de cette hospitalisation, je n’ai qu’une envie – arracher mon drain, mes pansements et mon bracelet d’hospitalisation, et m’enfuir en courant. J’avoue, ma condition mentale me fait peur car je ne suis pas du tout comme cela, d’habitude. J’ai vraiment du mal à garder le moral, je ne sais pas gérer l’inactivité et mon cerveau. C’est peut-être parce que je suis, à la base, super optimiste et parce que, d’habitude, avec un livre ou une série TV, j’arrive facilement à débrancher mon cerveau quand cela ne va pas… Mais, là, j’ai la tête remplie d’idées noires, au point de penser que j’aurais mieux fait de ne jamais me réveiller après l’opération. Je me fais peur à moi toute seule, je décide de laisser mon amour-propre de côté, encore une fois, et d’appeler l’infirmière. Elle me donne un Xanax et, wahou, en quelques minutes je suis calmée et en quelques dizaines de minutes, je me rendors pour trois petites heures.
Je me réveille confuse. Mon cerveau n’aime pas le Xanax, apparemment, il confond mon rêve avec la réalité. Je reprends pied peu à peu et je constate que j’ai toujours envie de vider mon intestin. Ce qui me fait peur. On m’apprend que c’est possible… mais debout, droite comme un I au-dessus des toilettes, et sans pousser. Euh, les gens, je ne fais pas de camping et je fuis les toilettes turcs comme la peste, c’est juste impossible !
Je décide de me changer les idées en me levant et en me couvrant un peu pour pouvoir marcher dans les couloirs du service. Bon, je fais vite le tour du service donc j’en profite pour récupérer un gant de toilette jetable par-ci, pour jeter mes ordures par-là, pour essayer de ranger un peu mes affaires… On s’occupe comme on peut ! Surtout que je ne peux pas dormir dans ma chambre de la journée, ils faisaient des travaux juste à côté, avec des perceuses toute la journée…
Maintenant qu’il fait bien jour, je me sens mieux, mentalement, et même physiquement car je lis un peu, debout, en laissant un livre papier ouvert sur une table. Je me lèverai et me recoucherai quelques heures dans la journée, arrivant plus ou moins à lire, soit mon livre papier soit un nouveau livre audio bien moins déprimant que “Demain les chats”.
Je me sens pousser des ailes quand j’apprends que je vais pouvoir rentrer chez moi le lendemain. Je l’espérais, mais je n’osai pas l’espérer trop fort de peur que mon départ ne soit retardé. Le personnel est super sympa, vraiment, mais je veux être chez moi, je veux pouvoir regarder la TV et voir autre chose que les murs de ma chambre d’hôpital. Et je veux manger autre chose que mon alimentation sans résidus qui me dégoute tellement, à force, que je n’arrive plus vraiment à la manger !
Et en parlant de cela, pour être 100% complète dans l’histoire de mon hospitalisation, je peux vous dire que le “sans résidu” ne marche pas vraiment sur moi, car j’ai dû affronter une autre peur : celle de faire ses besoins debout et sans pousser. Sans rentrer dans les détails, sachez que j’ai dû m’y mettre à deux fois (à genre 8h d’intervalle) et que j’ai dû demander de l’aide à la fin, à chaque fois… J’ai réussi ce challenge, certes, mais en laissant ma dignité de côté… et ne priant pour que cela ne tire pas sur mes points, de manière à ce que cela ne retarde pas mon retour chez moi…
Mardi 11 avril
Savoir que j’allais rentrer dans la journée du mardi m’a permis de passer, enfin, une bonne nuit. Cela s’est sûrement aussi joué par le fait que je m’étais “dépensée” dans la journée, en marchant dès que possible. Et parce que je réussissai enfin à lire, et donc à détendre mon cerveau et à penser à autre chose !
Mardi 11 avril, donc, j’ai pu sortir du service et je ne vous dis pas le bonheur que cela a été de pouvoir sentir la caresse du soleil sur mon visage. J’avais l’impression de revivre. Vraiment. Au revoir les idées sombres, adieu les soucis plus mentaux que physiques !
Je vous raconterai la suite, avec un peu plus de détails sur l’opération que j’ai subie, d’ici peu 🙂
EDIT : la suite est ici…
Eh Ben, quelle aventure… Je me doute que le temps devait être long et difficile, surtout quand tu n’es pas chez toi, seule et sans rien pouvoir faire, mais j’espère vraiment que ce sera la dernière et que ça aura enfin soulagé tes problèmes!
Je sens combien cette hospitalisation a été difficile psychologiquement.
Je me demande comment j’aurais pu sortir de suites opératoires aussi lourdes sur le plan moral ! J’espère que le fait d’être “rentrée” t’aide à retrouver la force mentale, que je perçois toujours chez toi !
Je te souhaite donc un prompt rétablissement, tant moralement, que physiquement 🙂
J’imagine combien ça a été dur. J’aurais pété un plomb moi aussi. Et j’espère que cette fois c’est la bonne, et que tu auras une cicatrisation parfaite.
Bonsoir, je déteste les hôpitaux, les docteurs et tout ce qui va avec.
J’imagine ce que tu as dû épprouver.
J’espère que tout ça ne restera qu’un mauvais souvenir pour toi.
Hi Cyrielle,
Je vis actuellement en Angleterre et j’ai également un kyste pilonidal depuis plusieurs années déjà, je l’ai découvert ici à Londres et j’ai toujours refusé l’opération donc à chaque épisode douloureux je prend des antibiotiques et tout rentre dans l’ordre. Malheureusement ce matin nouvel épisode trop douloureux pour m’assoir ou m’allonger. J’ai une opération prévue en clinic d’ici 4 à 6semaines. Aurais tu des informations sur les opérations ici, les soins postop et surtout le prix? Je n’ai plus de sécu et de mutuelle en France et j’ai un travail à plein temps. Merci de ta réponse
Lucie
Bonjour Lucie !
Je suis navrée pour toi, c’est la galère, surtout quand ton kyste se gonfle lors de l’infection au lieu de fistuler (de creuser des tunnels dans ta peau pour se vider vers l’extérieur de ton corps). Hélas je ne sais pas du tout comment cela fonctionne en Angleterre, je savais que le prix ne conviendrait pas (je n’ai RIEN déboursé avec ma nouvelle opération en France, en hôpital public) et que je ne serais pas capable de rester immobilisée toute seule dans ce pays (sans compter que je ne pourrais pas payer le loyer en étant en arrêt en Angleterre).
Je te souhaite beaucoup de courage, n’hésite pas à m’envoyer un mail ou à venir discuter sur les réseaux sociaux si tu en ressens le besoin 🙂
Cyrielle